ÉPILOGUE

Jacen regarda le résultat, incrédule. L’attention générale se concentrait sur les données provenant des recherches de Wyn dans les archives de la bibliothèque… Elles s’affichaient sur l’holobloc posé devant lui, recensant tous les systèmes qui avaient « récupéré » une planète au cours des soixante dernières années… Saba et Danni avaient examiné les occurrences dans les dossiers de la Flotte Chiss. On y mentionnait quinze « acquisitions » de planètes et une quarantaine de brèves rencontres.

Hélas, aucun de ces cas ne correspondait à la présence de Zonama Sekot.

— Elle n’est pas là, fit Jacen, frustré.

— Elle doit y être ! insista Mara. Elle n’a pas pu aller ailleurs !

— A moins qu’elle se cache quelque part dans le reste de la galaxie, soupira Luke, fatigué.

— Si c’était le cas, nous le saurions, répondit Mara.

— Nous n’avons peut-être pas cherché assez loin. Elle peut être dans un des systèmes mineurs, comme l’Amas de Minos, par exemple.

— Ou elle a quitté la galaxie, avança Danni. Ou elle est morte…

— Non, protesta Jacen. Elle n’est pas morte ! Il existe des holos d’elle en orbite autour de deux systèmes, souvenez-vous. Et elle n’a pas pu quitter la galaxie – sauf si elle en sait plus long que nous sur l’hyperespace !

— Ou si elle a trouvé le moyen d’exister sans soleil, enchaîna Luke.

— Ces hypothèses me semblent inacceptables, dit Jacen.

— Qu’allez-vous faire ? demanda Fel. Si vous ne la retrouvez pas, c’est que Zonama Sekot est peut-être bel et bien une légende, après tout.

— Non, affirma Jacen. Vergere ne m’aurait pas menti.

— Vous en êtes sûr ?

— Absolument ! Zonama Sekot est réelle.

— Les Maisons vous soutiendront si vous souhaitez continuer à explorer l’espace chiss, intervint l’administrateur assistant.

Jacen se sentit soudain épuisé. Et si Vergere avait menti ? Si Zonama Sekot avait été le fruit de son imagination ?

De très loin, il sentit aussi Jaina se laisser envahir par l’épuisement.

Il avait à peine dormi depuis leur arrivée sur Csilla, et ses pensées étaient confuses. Sans la Force, il se serait écroulé. De toute façon, il lui faudrait bientôt se reposer. Fixer obstinément les données ne les ferait pas changer.

— Que vous ayez tort ou raison, dit-il, il vous faudra vous passer de moi un moment. Je n’en peux vraiment plus…

Sous le regard inquiet d’Irolia, il quitta la salle.

 

Danni le rejoignit une demi-heure plus tard. Pour faire le vide dans son esprit, il s’était isolé dans un coin du niveau supérieur de la bibliothèque.

— Salut, murmura-t-elle en s’asseyant à côté de lui.

Il voulut réagir, mais ne trouva pas les mots.

— J’ai pensé à quelque chose, dit Danni après un moment. Et si Zonama Sekot s’était désintégrée ? Les contraintes subies lors de tous ces sauts hyperspatiaux ont dû l’affaiblir. Tout compte fait, les planètes sont assez fragiles. Une erreur, et elle aurait pu se transformer en une ceinture d’astéroïdes…

Jacen ne pouvait pas accepter cette idée. Zonama Sekot devait être quelque part !

— Tu es fâché contre moi ? demanda Danni.

— Hein ? Pourquoi le serais-je ?

— Tu ne sembles pas avoir envie de me parler…

— Je ne suis pas fâché, seulement fatigué. Je voulais réfléchir à tout ça.

— Tout ça ? Tu veux dire Zonama Sekot ?

— Oui.

— J’ai aussi réfléchi. A nous, par exemple…

— Vraiment ?

— Oui. C’est bizarre… Je peux percer à jour les secrets biologiques des Yuuzhan Vong ou calculer les chances qu’un système attire une nouvelle planète… Mais parfois, je n’arrive pas à deviner ce qui se passe dans ta tête, Jacen Solo.

Il lui prit la main.

— Danni, je…

— Non, laisse-moi finir. Nous nous connaissons depuis des années, maintenant. Depuis le début de la guerre, quand tu m’as sauvée, sur Helska 4… Mais je ne t’ai pas vu tel que tu étais vraiment jusqu’à cette fameuse journée, sur le Récif de Mester. Pas un Solo, un Chevalier Jedi ou le frère de Jaina, mais toi-même. Et j’ai aimé ce que j’ai vu.

Jacen se souvenait de ce jour : la diversité de la vie corallienne, le vert des yeux de Danni et le hâlé de sa peau, la promesse de son sourire…

— Tu es fort. Ça te surprendra peut-être, mais à mon avis, tu dois être la personne la plus forte de l’Alliance Galactique… Tu remets même en question ce que tout le monde considère comme un grand privilège : être un Chevalier Jedi. Tu vois au-delà, et tu veux comprendre ce que ça signifie. On n’apprend pas ce genre de chose, Jacen : ça doit venir de soi-même.

« Et tu es bon. Non, regarde-moi ! insista Danni quand le Jedi détourna les yeux, embarrassé. Tu dois m’écouter. En temps de guerre, se souvenir des choses positives est parfois difficile. Les gens sont récompensés pour leur combativité, leur efficacité, mais plus rarement en vertu de leur bonté, de leur magnanimité… ou d’un type de loyauté lucide qui questionne au lieu de tout accepter. Ta sœur récolte les médailles pendant que tu te fonds toujours dans l'arrière-plan…

— Les médailles ne m’intéressent pas, coupa Jacen. Je n’en veux pas à Jaina de les collectionner…

— Je sais. Tu n’en voudras jamais aux autres de leurs succès. C’est une de tes grandes qualités. (Elle sourit.) Dois-je continuer ?

Il sourit aussi.

— Non. Je crois que j’ai compris.

— Jacen, je ne dis pas tout ça pour t’embarrasser, ou pour que tu me couvres à ton tour de louanges… Je pense que tu as besoin d’entendre ces vérités.

— Pourquoi ?

— Pour toi, le succès dépend uniquement de la découverte de Zonama Sekot. Je comprends son importance dans la guerre. Mais à un niveau plus personnel, tu as déjà réussi. Après toutes ces années où nos chemins se sont croisés, comme ceux de satellites errants, je suis ravie : nous voilà enfin assez proches pour que je t’avoue que je serais très fière de t’appeler mon ami.

Elle s’interrompit et lui serra doucement la main.

Jacen comprit que c’était à son tour de s’exprimer… Embarrassé ou pas, il le devait. En fait, elle ne parlait pas seulement d’amitié… Et comment définirait-il ses propres sentiments ? Il se souvenait du jour où il l’avait sauvée, sur Helska 4. Elle lui avait paru si belle, si mûre… inaccessible ! A l’époque, elle était une femme, et lui, un jeune garçon.

Il s’apprêtait à lui expliquer ce qu’il ressentait, quand une de ses phrases lui revint en mémoire.

Comme des satellites errants…

Dans la bouche de Danni, cette métaphore le troublait, pour une raison qu’il ne s’expliquait pas. Elle le faisait penser à la quête inutile que Vergere lui avait assignée, mais il ne comprit pas immédiatement pourquoi.

Des satellites ?

A sa connaissance, Zonama Sekot n’en avait pas. Et même… Il doutait qu’elle ait pu en garder un, lors de tous ces sauts hyperspatiaux. Mais depuis, elle avait pu en acquérir un…

La solution le frappa avec la force d’un éclair. C’était si évident qu’il se serait volontiers donné des claques !

Exalté, il oublia Danni et leur conversation, se levant d’un bond.

— Jacen ? Que se…

— J’ai trouvé ! cria le jeune homme en éclatant de rire. Allons-y, Danni. Dépêche-toi !

Il fonça dans l’escalier, revenant dans la salle principale de la bibliothèque. Derrière lui, Danni lui demandait quel était le problème… Mais il n’y avait plus une minute à perdre !

Tout le monde le regarda arriver, hors d’haleine.

— Il faut conduire… une autre recherche !

— Une autre ? fit Luke. Mais nous avons déjà examiné toutes les planètes de…

— Pas les planètes, coupa Jacen. Les lunes !

— Les lunes ? Et pourquoi ?

— Réfléchis ! Si Zonama Sekot entrait dans un système tournant autour d’une géante gazeuse, elle ne serait pas enregistrée comme une planète, mais comme un satellite – genre Yavin 4 ! Un monde habitable dans un système habitable – considéré pourtant comme une lune. Tu saisis ? Nous l’aurions ratée !

— Mais les forces gravifiques impliquées par une telle configuration seraient incroyablement élevées ! protesta Danni.

— Zonama Sekot aura trouvé un moyen de s’en arranger, comme elle a toujours réussi à fuir quand elle le voulait… Elle est rusée et déterminée. (Jacen se tourna vers son oncle.) Je sais que j’ai raison ! Nous devons réorienter les recherches.

— Wyn, ça prendrait longtemps ? demanda Luke.

— Tout dépend du nombre de cibles possibles, répondit la jeune fille, nerveuse.

— Il n’y en aurait probablement pas énormément, assura Danni. Les systèmes ne capturent pas souvent des planètes, mais les lunes de la taille d’une planète capturées par une géante gazeuse doivent être très rares. Je serais surprise qu’il y en ait une au cours du siècle écoulé. Les chances que ça arrive dans un système habitable sont encore plus minimes.

— Jacen pourrait-il avoir raison ?

Danni haussa les épaules et sourit.

— Je suppose qu’il existe un seul moyen de le savoir.

Plein de gratitude, Jacen lui sourit à son tour.

 

La fureur de Shimrra était la chose la plus satisfaisante que Nom Anor eût jamais vue… Même à distance, à travers un villip caché sous les robes de Ngaaluh, son cœur noir s’en réjouissait.

— Répétez-moi comment votre incompétence a conduit à ce désastre, fit Shimrra de la voix trop contrôlée qui préludait à une explosion de colère.

— Oui, Redoutable Seigneur, répondit le commandant Hreven Karsh.

Il raconta de nouveau comment ses guerriers avaient laissé fuir une petite équipe de Jedi et d’impériaux, dans les Régions Inconnues. Nom Anor apprenait les événements après coup. Conduite par les Skywalker, cette expédition avait apparemment provoqué l’échec d’une opération qui aurait dû aboutir à l’élimination des Vestiges de l’Empire… Ensuite, l’équipe en question était partie dans les Régions Inconnues. Envoyé par le chef de l’attaque contre les Vestiges de l’Empire, Karsh avait perdu toute trace des Jedi aux frontières de l’espace chiss. On ne les avait plus localisés depuis.

Hreven Karsh était un commandant inexpérimenté. Son père, Komm Karsh, avait péri en essayant de puiser des informations dans l’abominable bibliothèque d’Obroa-skai. Poussé par l’ambition, il avait pris sa place avec plaisir. Ses modifications rituelles – l’implantation de blindage de crabe vonduun sous sa peau pour lui donner l’aspect d’une croûte hérissée – avaient été réalisées à la hâte. Les blessures suintaient toujours. Mais l’inconfort qu’elles lui causaient n’était rien comparé à cette indignité : devoir exposer son échec devant le seigneur suprême en personne !

Sans parler de la punition qui s’ensuivrait…

— Nous ratissons les frontières de l’espace chiss à la recherche des fugitifs, et…

— Vous « ratissez ! », coupa le seigneur suprême, descendant de son trône rouge sang en corail yorik.

Les implants mqaaq’it de ses orbites brûlaient de fureur.

— Vous avez dit « ratisser » ! cracha Shimrra.

Karsh déglutit péniblement.

— Oui, seigneur suprême, je l’ai dit…

— Qui êtes-vous, Karsh ? Un serviteur, relégué dans les jardins pour ratisser les tas de compost ?

— Mon seigneur, je voulais seulement dire que…

— Nous sommes les Yuuzhan Vong, Karsh. Nous ne ratissons pas. Nous prenons ! Cette galaxie nous appartient, y compris les mondes des Régions Inconnues. Vous rappellerez cela aux Chiss, je vous prie ! S’ils ont accueilli les fugitifs, vous ne laisserez pas leurs frontières vous tenir à l’écart. Non, vous les remettrez à leur place, en prenant ce qui vous appartient de droit, pas en ratissant délicatement les frontières de ce que les Chiss prennent pour leur territoire ! Est-ce clair ?

— Oui, seigneur suprême ! répondit Karsh, tétanisé. Je vous assure, je retrouverai les Jeedai. Je le jure sur le nom de mon domaine !

Il avait l’air soulagé que l’audience touche à sa fin. Avec un peu de chance, il en sortirait indemne.

Mais Nom Anor, lui, savait que ce ne serait pas le cas. En envoyant Karsh dans les Régions Inconnues, Shimrra l’avait tout simplement sacrifié.

— Excellent, Karsh, dit Shimrra en revenant vers son trône. Maintenant, donnez-moi votre main.

Karsh obéit, bras tendu.

Le seigneur suprême le regarda dans les yeux et sourit.

— Coupez-la. Je la garderai en souvenir de votre promesse. Si vous échouez de nouveau, je sacrifierai aux dieux tous les membres de votre domaine. Compris ?

Karsh hocha la tête. Shimrra était sérieux. Prenant un coufee dans le fourreau pendu à sa ceinture, il le brandit d’une main et se trancha l’autre…

Il y eut un bruit de pas… Le familier de Shimrra, une créature mutilée, ramassa la main.

Raide comme un piquet, Karsh garda la tête droite.

Shimrra attendit un long moment.

Le sang de Karsh coulait à flots, éclaboussant ses bottes. Puis le seigneur suprême daigna faire un geste las.

— Vous pouvez partir.

Karsh marcha vers la sortie, toujours aussi raide. Le villip permettait d’observer parfaitement la scène. Nom Anor avait enfin ce qu’il souhaitait depuis longtemps : l’accès au sanctuaire de Shimrra… un moyen de savoir ce que le chef des Yuuzhan Vong disait et pensait.

Et tout n’était pas pour le mieux, dans le monde du seigneur suprême ! L’absence de progrès notables, depuis la prise de Yuuzhan’tar, semblait peser sur toutes les forces vong. Là où il n’y avait eu précédemment aucune résistance, des mouvements s’étaient formés, coupant des voies de ravitaillement. La vongformation des mondes les plus importants interrompue, les prêtres avertissaient les autorités que l’hérésie se répandait dans les basses couches de leur société. Cette dernière information plaisait particulièrement à Nom Anor : il n’avait pas travaillé en vain !

Sa satisfaction augmenta quand la conversation, dans la salle du trône de Shimrra, porta sur d’autres sujets. Il entendait chaque mot à la perfection. Finalement, attaquer Ngaaluh avait été la meilleure idée qu’il ait jamais eue. Loin d’intimider la prêtresse, cela avait seulement affermi sa résolution de défier le seigneur suprême.

— Je vous dois la vie, maître…, avait-elle haleté en revenant à elle.

A mesure que l’antidote administré par Nom Anor se répandait dans son corps, elle avait recouvré ses forces.

— Vous êtes vraiment Yu’shaa à l’infinie compassion, et je suis votre humble servante.

Nom Anor savait reconnaître une bonne occasion quand il la rencontrait, et il n’avait rien contre la perspective de l’exploiter.

— Je vous ai rendu votre vie… Avec quelle monnaie êtes-vous prête à me payer en retour ?

— Cette même vie, maître !

— La risqueriez-vous volontairement pour moi ?

— Sans hésiter, maître !

— Et si je vous demandais de la risquer pour les Jedi ?

— Si vous me demandiez de la risquer pour un ver ghazakl, je le ferais sans poser de questions. Mais pour les Jeedai, j’offrirais joyeusement ma vie – pour pouvoir devenir une avec la Force.

Nom Anor se souvenait clairement des paroles de Ngaaluh. Ce n’était pas une conclusion qu’il avait suggérée à ses fidèles… Ngaaluh l’avait formulée elle-même.

Pendant que la prêtresse récupérait, les quelques jours suivants, Nom Anor l’avait questionnée, cherchant l’origine de cette opinion, et de quelques autres qu’elle s’était forgées avant de partir à la recherche du Prophète. Ngaaluh avait été en contact avec la traîtresse Vergere, qui avait semé les graines du doute dans son esprit. Depuis quelque temps, Ngaaluh doutait du panthéon officiel, et se demandait comment incorporer les Jedi et la Force à la vision du monde qu’on lui avait inculquée…

Certaines de ses conclusions rejoignaient les propositions fantaisistes de Nom Anor – par exemple, que la Force était un écho de l’âme de Yun-Yuuzhan. Mais d’autres s’avéraient réellement originales. L’idée que la mort permettait aux Yuuzhan Vong de s’unir à l’esprit de leur créateur était extrêmement inspirée : elle permettait à Nom Anor de pousser les Honteux à risquer leur vie à son service…

Habituée à la traîtrise et à la tromperie, Ngaaluh avait remonté le Message du Prophète jusqu’à sa source, s’infiltrant dans les rangs des fidèles. Nom Anor n’avait pas la naïveté de prendre l’humilité de la prêtresse pour argent comptant… Il restait parfaitement possible que Ngaaluh soit un agent double qui débitait ce qu’il voulait entendre.

Malgré tout, l’occasion de la renvoyer à Shimrra avec un villip espion était trop belle pour qu’il la laisse passer.

— … un ralentissement marqué du programme de déstabilisation, disait un subalterne. La phase d’infiltration est terminée dans beaucoup de communautés rivales, et les conflits ont tourné à la guerre ouverte dans bien d’autres. Mais les infidèles sont intervenus au moins deux fois pour ruiner nos efforts, et retourner le travail de nos agents à leur avantage. Je crains que ça n’entache les progrès que nous avions pourtant accomplis dans d’autres domaines.

— C’était le programme de Nom Anor, n’est-ce pas ? demanda un assistant. Dans ce cas…

— Ne prononcez pas ce nom en ma présence ! rugit Shimrra. Pas avant que sa tête coupée soit posée devant moi et que je porte sa peau comme manteau ! Si vous vous oubliez encore, ce sera votre tête qu’on posera devant moi !

L’assistant recula.

— Oui, Puissant Seigneur. Je voulais simplement remarquer que si ce programme est l’œuvre d’un… ancien exécuteur… ça pourrait expliquer son échec. D’emblée, il était mal conçu. Peut-être faudrait-il l’abandonner.

— Non, fit Shimrra, pensif. C’était un bon plan, et ça l’est toujours. Pour l’instant, nous nous y tiendrons. Il permet d’utiliser efficacement des ressources dans les zones éloignées du front. Les alliances temporaires consécutives à l’incompétence de certains de nos agents seront rectifiées en temps voulu.

Nom Anor aurait dû se rengorger en entendant Shimrra reconnaître les mérites de son plan… Apprendre que ses talents restaient appréciés, alors qu’il était tombé en disgrâce, se révélait fort agréable. En revanche, s’entendre négligemment traiter d’« ancien exécuteur » l’exaspérait.

— Quelles nouvelles des hérétiques ? demanda Shimrra.

Obséquieux jusqu’au bout des ongles, le haut prêtre Jakan avança.

— Nos espions n’ont pas pu infiltrer le cercle de commandement intérieur, répondit-il. Notre manque de connaissance de leur doctrine et leur loyauté déjouent nos tentatives.

— Leur loyauté envers quoi ?

— Envers leur chef, seigneur. C’est de lui que cette hérésie provient.

— Et quel est le nom de ce prétendu chef des Honteux ?

— Yu’shaa, le Prophète.

— Un prophète ? Voit-il les événements à venir ?

— On le prétend, mon seigneur.

— Voit-il aussi sa propre mort ? Je veux qu’il soit éliminé ! Vous m’entendez ? Qu’on les débusque et qu’on les écrase, lui et toute sa clique !

— Ce ne sera pas facile, répondit Ngaaluh d’une voix sereine.

Prétendant avoir recueilli des informations par le biais de sa secte, elle avait persuadé Harrar de lui permettre d’entrer avec lui dans la salle du trône.

— Le nombre des fidèles de Yu’shaa grandit chaque jour. Son message se répand. Sa voix passe lentement d’un murmure à un cri qui sera bientôt trop puissant pour être réduit au silence.

Le visage transformé en un masque de colère froide, Shimrra se tourna vers la prêtresse. Grâce à la stabilité de l’image qu’il recevait, Nom Anor sut que Ngaaluh ne tremblait pas.

Shimrra approcha.

— Et que crieront-ils, prêtresse ? Que veulent-ils ?

Ngaaluh n’hésita pas.

— Ils veulent un statut, Très Haut. Ne plus être des Honteux. Etre acceptés.

Le visage hideux de Shimrra se plissa d’étonnement. Nom Anor ricana, croyant entendre les pensées du seigneur suprême.

L’acceptation ? Ne plus être des Honteux ? C’est quoi, ce charabia d’infidèles ?

Puis Shimrra comprit. Il n’était pas idiot : il connaissait le but de l’hérésie. Le concept de rédemption des Honteux touchait au cœur de la hiérarchie yuuzhan vong. Il minait l’autorité de ceux qui siégeaient au sommet, et redonnait une voix aux opprimés.

Le jour glorieux où Nom Anor entrerait à la tête de ses fidèles dans la salle du trône du seigneur suprême, il regarderait Shimrra dans les yeux et se dresserait devant lui en égal. A ce moment seulement Shimrra mesurerait la gravité de sa défaite – et l’éclatante victoire de l’exécuteur déchu.

Onimi, le hideux bouffon du seigneur suprême, parla d’une voix flûtée :

— Sachez, mon seigneur,

que de leurs rêves mauvais,

une réalité ils ne feront jamais…

Shimrra se tourna vers la créature.

— En effet, ça semble absurde, impensable… Mais si tous les Honteux se révoltaient, prenaient les armes…

— Le nombre seul ne suffira pas.

Ni la volonté de se sacrifier.

A votre sécurité ne veillent-ils pas,

Ces gardes loyaux à leurs postes rivés ?

— Effectivement, reconnut Shimrra.

De toute évidence, il pensait que ses modeleurs, ses prêtres et ses intendants avaient du mal à administrer son royaume, que Hreven Karsh avait échoué, qu’un plan parfait mis en place par un fugitif commençait à mal tourner, et qu’une prêtresse venait de lui signifier son arrêt de mort…

Effectivement, les choses n’allaient pas pour le mieux dans le royaume du seigneur suprême !

Et si j’ai mon mot à dire, Shimrra, pensa Nom Anor, elles iront de mal en pis !

 

Quand Leia entra dans la salle de l’hôpital bakurien où Tahiri était soignée, elle eut une impression de déjà-vu. A ses yeux, les hôpitaux se ressemblaient tous.

Comme sur Mon Calamari, Tahiri était inconsciente. La seule différence ? Ses yeux… Grands ouverts, ils ne voyaient rien.

En réponse à sa détresse psychologique, ses cicatrices s’étaient enflammées. Les médics de Salis D’aar n’avaient pas réussi à soulager ses souffrances mentales. Et la jeune femme, quasi transparente dans la Force, ne fournissait aucun repère à Leia.

Assis de part et d’autre du lit, Jaina et Jag levèrent la tête. Jaina était censée se déplacer sur un fauteuil à répulsion, mais dès qu’elle avait pu quitter le lit, elle s’en était débarrassée. Depuis son réveil, Jag restait près d’elle en dépit de sa fatigue. Ils se tenaient la main.

Leia se félicitait que Jag abandonne sa réserve en public, et se laisse aller à quelques signes d’affection. Etre passé près de la technition lui avait peut-être rappelé que la vie était trop courte pour se soucier de l’opinion d’autrui.

— Comment va-t-elle ? demanda Leia.

— Pas de changement, admit Jaina. Elle ne réagit à rien, et je n’ai pas pu l’atteindre mentalement. Cilghal arriverait peut-être à quelque chose…

Plongés dans des pensées peu réjouissantes, ils regardèrent la jeune Jedi. Puis Jaina fit un effort pour changer de sujet.

— Le nouveau traité a-t-il été ratifié ?

— C’est fait. Le Mouvement d’Emancipation des P’w’ecks s’est officiellement allié à Bakura. Lwothin et Panib ont signé le pacte il y a une demi-heure. Ils ont convenu d’organiser des élections dans le mois, de partager les possessions des Ssi-ruuk capturés pendant la bataille, et de lancer un programme de libération des P’w’ecks restés dans l’Imperium. A mon avis, on verra bientôt des réfugiés affluer de l’Imperium, et des représailles suivront l’année suivante… Espérons que Bakura aura la force de résister.

— Et le Keeramak ?

— Sa dépouille est en route pour Lwhekk. Les P’w’ecks pensent que la restitution du corps du Grand Shreeftut apaisera temporairement le Conclave ssi-ruuvi, et… irritera le Conseil des Anciens. Le conflit subséquent devrait les occuper un moment.

Leia était toujours sidérée par l’audace et la complexité du plan du Keeramak. Un plan qui avait failli marcher ! Le Ssi-ruuk avait deviné que les mondes de la Nouvelle République goberaient sans difficulté la prétendue « rébellion » des P’w’ecks…

— Les droïds ont fini d’analyser le bras de Cundertol, annonça Leia.

— Et ?

— Comme tu le pensais, c’était un androïde.

Jaina frissonna.

— Il avait l’air si réel.

— Les caractéristiques techniques de son bras et de sa main correspondent à celles des droïds fabriqués par Simonelle l’Ingoien, il y a plus de trente ans. Les os sont en poly-alliage, les muscles et les organes en biofibre. L’épiderme a été fabriqué dans un réservoir de clonage. Le reste est de la synthéchair. Du beau boulot !

— Pas étonnant qu’il ait refusé l’examen médical, à bord du Sélonia, fit Jaina.

— J’ignorais qu’une telle technologie était possible, reconnut Jag. D’après les renseignements de l’Empire, cette voie de recherche était une impasse.

— Exact. Nous n’avons jamais pu faire fonctionner correctement les cerveaux de ces androïdes. Les rares spécimens fabriqués sont maladroits et peu convaincants.

— Mais Cundertol, en revanche…, lança Jaina.

— Au cours de ces vingt-cinq dernières années, quelqu’un, sur le marché noir, a dû progresser à pas de géant. Et pas gratuitement ! Bien avant ta naissance, Jaina, les droïds humanoïdes coûtaient déjà dix millions de crédits. Je n’ose imaginer combien on les facture, maintenant !

— Nous le saurons dès que Vyram et Malinza auront retrouvé la trace des crédits envolés.

Les deux anciens activistes avaient été embauchés par le gouvernement dans le cadre de leur « réhabilitation », histoire de démontrer que leurs informations étaient fondées. Les poursuites légales pour enlèvement et séquestration avaient été abandonnées, mais Liberté restait un mouvement politique illégal. Certains membres du gouvernement préféraient s’assurer que ses membres cessent leurs activités. Ou, au moins, qu’ils s’y livrent dans un cadre légal.

En revanche, Salkeli avait été condamné et écroué pour tous ces chefs d’inculpation. Il ne reverrait pas la lumière du jour avant longtemps.

— Récapitulons, dit Jag. Cundertol a versé à quelqu’un une énorme somme pour obtenir une réplique droïd de lui-même.

— Puis il a engagé le Cavalier Jaunty pour aller le chercher et le ramener non loin d’ici, enchaîna Jaina. Nous ignorons encore où. Peut-être une base abandonnée, une station déserte… Peu importe. Un endroit discret, en tout cas.

— Ensuite, il a monté le faux enlèvement. Il lui fallait quitter la planète seul pour ne pas éveiller les soupçons. Il ne pouvait emmener personne tant que le processus était en cours.

— La technition…, fit Jag, dégoûté. Je n’arrive pas à croire qu’il se soit volontairement rendu aux Ssi-ruuk pour qu’ils sortent son âme de son corps !

— Il devait savoir qu’ils ne le fourreraient pas dans un chasseur droïd. Il était leur passeport pour Bakura, ne l’oublie pas. Un plan brillant ! En échange de l’immortalité de Cundertol, ils auraient eu une planète entière… Ça a failli marcher !

— Tu penses que ça aurait fonctionné pour Cundertol ? Je croyais que la technition dégradait progressivement l’énergie vitale du sujet…

— Lwothin a expliqué que les Ssi-ruuk avaient fait de grands progrès. Ça, au moins, c’était vrai.

— Un élève Jedi, Nichos Marr, a subi un processus similaire pour raisons médicales. Il est mort lors de la destruction de l'Œil de Palpatine. Nous ignorons combien de temps il aurait survécu.

— Cundertol n’était pas un androïde bringuebalant comme Nichos, continua Jaina. Il avait l’air aussi réel que nous. Son odeur aussi l’était, sinon Meewahl et Cakhmain ne s’y seraient pas trompés. Il lui suffisait d’éviter les troupes d’invasion, et personne n’aurait jamais rien su…

— Il a sacrifié l’équipage du Cavalier Jaunty pour que nul ne puisse démonter son histoire, ajouta Jag.

— C’est le signe d’un esprit rusé mais pervers, dit Leia. Aucun prix ne lui semblait trop élevé pour assurer sa survie.

Jaina regarda Tahiri. La jeune femme n’avait pas bougé. A part des frémissements de paupières… ?

— On n’a pas retrouvé son corps, dit Jaina.

— Non, fit Leia.

Goure entra et la princesse s’écarta pour lui faire de la place. Un Bakurien et un Kurtzen suivaient le Ryn.

— Je suis désolé, dit-il. Je ne voulais pas m’imposer.

— Venez, je vous en prie, fit Leia. Yan arrivera plus tard. Il voudrait vous parler.

Goure eut l’air troublé.

— Vraiment ?

— Il aimerait savoir si vous avez des nouvelles d’un ami à lui, un Ryn qu’il n’a plus revu depuis un moment : Droma.

— Droma ? Le nom ne me dit rien, mais je pourrais sans doute découvrir ce qu’il fait, si vous le souhaitez. Un de mes collègues le connaît peut-être.

— Oh, je suis sûre qu’il va bien. Yan était curieux, voilà tout. Mais Droma a le même don que mon mari.

— A savoir ?

— L’aptitude à la survie, bien entendu, répondit Leia en souriant.

Le Kurtzen attendait en silence, son crâne à crête luisant sous la dure lumière de l’hôpital.

— Voilà Arrizza, le présenta Goure. Je lui ai demandé de venir.

— Enchantée, fit Leia en s’inclinant légèrement devant le Kurtzen. Voilà ma fille, le lieutenant-colonel Jaina Solo, et le colonel Jagged Fel. Mais vous veniez voir Tahiri, je suppose…

— Nous sommes là pour l’aider, répondit Arrizza, avec un coup d’œil à Goure.

— De quelle façon ? demanda Jaina. Les médics et les guérisseurs n’ont rien pu faire pour elle. Pourquoi pensez-vous en être capables ?

— Ils n’ont pas pu la guérir, intervint Goure, parce qu’ils cherchent des causes physiques. Ils n’en trouveront pas, car Tahiri ne se bat pas contre une maladie, mais contre elle-même.

— Elle vous a parlé de son problème ? s’étonna Jaina.

— J’en ai assez vu pour confirmer le peu que j’avais entendu dire. Tous les Ryns connaissent l’histoire de la Jedi-qui-a-été-modelée. Les Honteux se racontent, pour se redonner de l’espoir. Mais hors de l’Alliance Galactique, on n’en parle guère. Si on apprenait qu’une Jedi a été corrompue par les modeleurs vong, la sympathie du public pour les Jedi pourrait en prendre un coup…

— Exact, reconnut Leia. Mezhan Kwaad a tenté de transformer Tahiri en Yuuzhan Vong, en lui insufflant la personnalité d’une guerrière de son domaine, Riina Kwaad… Mon fils Anakin l’a sauvée et a brisé le conditionnement. Nous pensions que la nouvelle personnalité était éradiquée, mais il semble plus probable que Tahiri l’ait seulement enfouie au fond d’elle-même…

— Et Riina du domaine Kwaad ne veut pas être reléguée à l’arrière-plan ! continua Goure. Elle veut vivre, comme toute créature douée de raison. Tant qu’on ne le lui permettra pas, elle ne se tiendra pas tranquille.

— Elle est réelle ? demanda Jag. Elle n’existe pas seulement dans l’imagination de Tahiri ?

— D’une certaine façon, Riina est aussi réelle que Tahiri. Ce qu’a subi Tahiri n’était pas un simple lavage de cerveau. Mezhan Kwaad a conçu Riina pour être une personne à part entière. Quand Tahiri est revenue vers vous, elle avait en elle davantage qu’une connaissance parfaite du langage et des coutumes yuuzhan vong… Elle portait les germes d’une nouvelle personnalité désireuse de contrôler son corps.

— Mais Tahiri allait mieux, rappela Jag.

— Jusqu’à la mort d’Anakin…, souligna Leia. Depuis, elle décline.

— Riina n’a pas reparu sans raison, insista Jag. Quelque chose a dû déclencher son émergence.

— Je suis d’accord, dit Goure. Et à mon avis, c’est l’avancée de l’Alliance Galactique face aux Yuuzhan Vong… N’oubliez pas que Riina, quand elle est « née » appartenait à un peuple de vainqueurs. Elle n’aurait jamais cru que les Yuuzhan Vong puissent perdre. Devant la défaite, l’esprit yuuzhan vong se rebelle. Pour Tahiri, cette lutte se déroule à l’intérieur d’elle-même, alors que nous livrons bataille dans le monde extérieur.

— Alors, comment nous débarrasser de Riina ? demanda Jaina, les yeux brillants de larmes.

— Il y a une seule façon, répondit Goure.

— Laquelle ? demanda Jaina.

— Tuer Tahiri, bien entendu.

— Quoi ? Ne plaisantez pas sur un sujet pareil !

— Ce n’est pas une plaisanterie, je vous l’assure, fit le Ryn. L’erreur que vous commettez tous est de ne pas saisir que Riina fait partie de Tahiri, au même titre que Tahiri elle-même.

— Je ne comprends pas, avoua Jag.

— Depuis Yavin 4, Tahiri est isolée à cause de son expérience avec les Vong et de sa connaissance intime de l’ennemi… Anakin l’acceptait telle qu’elle était. Mais à sa mort, elle s’est retrouvée seule. Nous savons que la famille est très importante pour les Yuuzhan Vong. Elle a donc probablement essayé de se rapprocher de vous, la famille d’Anakin. Mais ça n’aurait pas suffi à la stabiliser. Personne ne pouvait lui donner ce qu’elle voulait, excepté… elle-même.

Le Ryn posa une main sur le front de Tahiri.

— Les modeleurs connaissent leur métier. Quand ils ont décidé de transformer Tahiri en Yuuzhan Vong… Eh bien, ils l’ont fait !

— Mais ils n’ont pas réussi à éradiquer la vraie Tahiri, dit Leia.

— Grâce à Anakin, elle a pu vous revenir. Hélas, elle a découvert que son esprit était habité par un intrus résolu à s’incruster à tout prix ! Du point de vue de Riina, c’est Tahiri l’intruse. Depuis son réveil, Tahiri résiste à Riina. Mais c’est une bataille impossible à gagner, et qui lui coûte très cher.

— Si la bataille ne peut être gagnée, que suggérez-vous ? demanda Jaina.

— C’est simple, répondit Goure. Il faut qu’elles apprennent à vivre ensemble. Nous devons les aider à devenir une seule personne.

— Pas question ! cria Jaina, furieuse.

— Jaina…, fit Leia.

— Non, maman ! Ça ne marchera pas. Enseigner à Tahiri à accepter la Yuuzhan Vong qui viole son esprit ? Après ce que les Yuuzhan Vong lui ont fait – et à Anakin ? Je m’y oppose ! Il doit y avoir un autre moyen d’extirper Riina de son esprit !

— Il n’y en a pas, affirma Goure. Pas plus que les Bakuriens peuvent s’allier aux P’w’ecks et rester inchangés… Il en va de même pour Tahiri et Riina. Les Bakuriens et les P’w’ecks devaient travailler ensemble à sauver la planète des Ssi-ruuk. Riina et Tahiri devront coopérer pour échapper à la folie.

Jaina voulut répliquer, mais sa mère lui serra le bras pour la calmer.

Leia comprenait le problème de sa fille. L’idée que rien ne puisse guérir Tahiri paraissait absurde. Mais tout ce qu’ils avaient tenté jusque-là ayant échoué…

— D’accord, fit Jag. Supposons que ce soit la seule solution. Comment procéderons-nous ?

Le Kurtzen avança.

— Comme Riina, dit-il, mon peuple a été rejeté de terres que nous estimions nous appartenir de droit. Ça a failli nous tuer, mais nous avons survécu à l’épreuve. Nous pensons que la vie se niche dans les objets dont nous nous entourons. Ils symbolisent notre identité et la renforcent. Dans une existence équilibrée, l’extérieur reflète l’intérieur. En cas de crise, il faut adapter les aspects intérieurs et extérieurs pour rétablir l’équilibre.

— D’accord, dit Jag. Mais concrètement, comment aider Tahiri ?

Le Kurtzen ouvrit une de ses poches et en sortit un petit totem en bois – une sculpture patinée par le temps.

— Nous focalisons certains aspects de notre énergie vitale grâce à des objets comme celui-ci. Quand notre « moi » a une carence, ils nous permettent de retrouver l’équilibre. Goure affirme que Tahiri avait un objet de ce type en sa possession. Un totem en argent qu’elle touchait en période de crise…

Leia sortit le pendentif de sa poche.

— C’est ça ? (Elle posa l’effigie de Yun-Yammka au creux de la paume d’Arrizza.) Tahiri s’est évanouie quand elle l’a trouvé, sur Galantos. Et lorsque je le lui ai montré, dans notre chambre, avant sa fuite. Elle le tenait encore quand on l’a amenée ici…

— C’est ça, répondit Arrizza.

Il prit le pendentif et ferma les yeux.

Dans la Force, son image changea d’une manière que Leia n’avait jamais vue. Que faisait-il ? Que percevait-il ? Le pendentif appartenait aux Yuuzhan Vong, eux-mêmes invisibles dans la Force… Ils n’avaient pas pu laisser d’impressions sur la minuscule statue.

A moins, bien entendu, que l’« énergie vitale » mentionnée par Arrizza recoupe tout autre chose…

Serrant le pendentif, Arrizza semblait en transe. Leia avait été témoin de nombreux rituels, plus ou moins étranges. Les actes du Kurtzen n’étaient pas étonnants pour elle, mais elle n’avait pas le cœur de lui dire qu’ils ne serviraient probablement à rien.

Jaina paraissant moins disposée à se montrer accommodante, Goure approcha d’elle et lui posa une main apaisante sur le bras.

— Je sais ce que vous éprouvez. Mais souvenez-vous : même si Riina est indéniablement une Yuuzhan Vong, elle n’incarne pas à elle seule tous les maux des Yuuzhan Vong… On peut seulement l’accuser de vouloir survivre, pour le moment.

— Peu m’importe, dit Jaina. Elle restera toujours une Yuuzhan Vong.

— Mais c’est une victime dans tout ça, au même titre que Tahiri, insista Goure.

Jaina fit mine de protester.

— Dites-moi, ajouta le Ryn, l’en empêchant, Tahiri était-elle elle-même quand la bombe a explosé ?

— Comment ? Non, Riina avait pris le dessus. Pourquoi ?

— C’est donc Riina qui a créé la bulle de Force… Riina qui a sauvé de nombreuses vies dans les tribunes, en restant à côté de la bombe, où elle savait que l’effet serait le plus meurtrier… Est-ce l’attitude de quelqu’un qui mérite notre mépris ? Ou notre haine ?

Jaina détourna le regard.

— Alors ? laisserons-nous Riina supplanter Tahiri ?

— Nous devons choisir : les aider toutes les deux, ou les regarder mourir toutes les deux.

Leia sentit tout le poids de cette responsabilité peser sur elle. Goure leur demandait de courir un énorme risque. Elle se souvenait des visions d’Anakin au sujet de Riina : une force obscure balayant l’univers… Et cela pouvait encore se produire, si Riina était libérée, armée des connaissances et des aptitudes d’une Jedi…

Cilghal avait décrit une autre création hybride des Yuuzhan Vong – les voxyns – comme « appartenant en partie à cette galaxie et en partie à celle des Vong ». Si Goure avait raison, Tahiri devrait atteindre ce stade pour survivre, et rien ne garantissait qu’elle ne deviendrait pas aussi meurtrière et vicieuse que ces créatures.

Mais en fin de compte, tout revenait à la confiance que Leia pouvait faire à Tahiri…

Arrizza rouvrit les yeux. Goure s’écarta quand le Kurtzen avança vers le lit. Tenant le pendentif d’une main, il posa l’autre sur le front de Tahiri. Ses lèvres remuant sans bruit, il laissa tomber le bijou sur la poitrine de la jeune femme.

— Vous êtes sûr qu’on devrait laisser ce truc sur elle ? demanda Jaina, inquiète.

— Oui. C’est la tradition. Il l’aidera à se purifier spirituellement.

Il fit une révérence et recula.

Un bruit de bottes brisa le silence. Leia se tourna et vit Yan entrer à grands pas.

— Nous avons eu des nouvelles de Luke, annonça-t-il sans saluer personne. Il dit que… Mais… Que se passe-t-il ?

— Je t’expliquerai plus tard, répondit Leia.

— J’ai entendu dire que le Ryn était là. Où est-il parti ?

— Il est toujours… (Leia constata que Goure avait disparu.) Enfin, il était là…

— Mon ami ne voulait pas rester plus longtemps que nécessaire, dit Arrizza. Mais il m’a remis ce message.

Le Kurtzen tendit une feuille de flimsiplast à Leia. Elle la déplia et la lut.

Mes excuses pour ce départ abrupt. Ce matin, j’ai été informé qu’on avait besoin de moi ailleurs. J’ai reçu l’ordre de vous conseiller d’aller sur Onadax au plus vite. Quelqu’un vous y rencontrera.

A son réveil, veuillez remercier Tahiri de tout ce qu’elle a fait ici.

Avec toute ma gratitude.

Goure

 

— Je suis désolé, dit le Kurtzen.

— Inutile, fit Yan. Je voulais seulement lui demander des nouvelles de Droma. (Il relut le message.) On nous y rencontrera… Veut-il parler d’un autre Ryn ?

— Ce n’est pas clair, reconnut Leia.

— Onadax est dans l’Amas de Minos, non ? demanda Jaina.

— Oui. Pas très loin de Bakura.

Yan eut soudain l’air inquiet.

— Qu’y a-t-il, papa ?

— Ce n’est pas un lieu idéal. Un endroit dangereux qui grouille de malfrats… Que personne n’aille imaginer que ce sera un voyage romantique !

— Yan, nous avons échangé notre premier baiser dans le ventre d’une limace de l’espace, rappela Leia. Crois-moi, je ne me suis jamais attendue à une scène romantique avec toi !

— Allons, viens ! Nous devons parler à Luke avant qu’il appelle Ben.

— Un moment… (Leia se tourna vers Arrizza.) Et Tahiri ?

— J’ignore combien de temps il lui faudra pour guérir. Une heure, un an… Si toutefois elle y parvient. Désolé de ne pouvoir vous fournir une réponse précise.

Leia regarda Tahiri. Elle n’avait pas bougé. Mais ses yeux étaient fermés, comme si elle dormait.

Leia espéra que c’était bon signe.

Fais de beaux rêves, Tahiri, et reviens-nous en pleine forme, murmura-t-elle dans l’obscurité de l’esprit de la jeune femme.

 

La navette quitta l’hyperespace à la frontière de l’Imperium ssi-ruuvi. Elle transportait huit passagers dont sept cadavres.

Assis dans le fauteuil de commandement, Cundertol regarda le système de détection sonder rapidement l’espace environnant. Dès le départ de Bakura, il avait modifié les réglages. L’événement qui avait changé sa vie s’était produit non loin de là, dans une petite base de recherche abandonnée.

La navette repéra la station et un vaisseau de classe Fw’Sen. Elle se dirigea vers ce navire, émettant le signal convenu.

Les deux bâtiments s’arrimèrent l’un à l’autre.

Satisfait, Cundertol se dirigea vers le sas en enjambant les corps de l’équipage p’w’eck.

Le moignon de son bras était parfaitement guéri.

— J’attendais, annonça le général ssi-ruuvi connu sous le nom d’E’thinaa.

Il parlait en ssi-ruuvi. Les concepteurs du corps artificiel de Cundertol l’avaient programmé pour le comprendre et le parler.

— Je suis venu le plus vite possible, répondit Cundertol. Il y a eu des complications.

— Le Keeramak ?

— Il est mort. Son corps est à bord, en guise de preuve.

Il ne précisa pas que la navette devait aller sur Lwhekk, ni qu’il avait tué l’équipage pour s’en emparer…

— Tant que l’objectif a été atteint, le reste m’importe peu, dit le général.

— J’ignore pourquoi vous le vouliez tant… Votre peuple révère le Keeramak comme un dieu. Le tuer provoquera sans doute le chaos et une guerre civile… Vous avez mis si longtemps à rebâtir l'Imperium. Pourquoi tout détruire maintenant ?

La queue du général martela le sol.

— On ne vous demande pas de comprendre, humain. Vous puez le mensonge.

Cundertol détourna le regard. Il ne pouvait pas se permettre de tomber dans un piège. Son corps artificiel, aussi robuste soit-il, ne le protégerait pas des attaques mentales.

Pourtant…

Comment E’thinaa avait-il pu sentir l’odeur de la tromperie, alors que l’épiderme de son nouveau corps avait été conçu pour dégager l’odeur d’un humain parfaitement calme, quel que soit son véritable état d’esprit ?

Le général devait bluffer.

Mais les Ssi-ruuk étaient généralement plus directs que les humains…

Et, maintenant qu’il y pensait, le sens olfactif exacerbé de son nouveau corps détectait quelque chose de bizarre dans l’odeur du Ssi-ruu…

Mal à l’aise, Cundertol eut hâte d’en finir et de repartir au plus vite.

— J’ai rempli ma part du marché. Tiendrez-vous parole ?

— Vous avez votre nouveau corps. Que désirez-vous de plus ?

— Vous le savez. Vous avez dit que vous me rembourseriez la moitié de la somme versée pour ce nouveau corps si je vous livrais Bakura. Je l’ai fait, alors… J’aimerais que vous me donniez ce que vous m’avez promis.

Le général arpenta nerveusement la pièce.

— Il me semble que Xwhee ne fasse plus partie de l'Imperium.

— Elle a bien été consacrée.

— Et les traîtres p’w’ecks se la sont appropriée, non ?

— Oui, mais c’est à vous de combattre pour la reprendre. Vous pouvez envoyer des troupes sans craindre pour leurs âmes…

— Vous n’avez pas rempli votre part du marché, et vous voudriez que je m’acquitte de la mienne ! Je suis déçu, mais quoi d’étonnant… Votre espèce n’est pas connue pour son sens de l’honneur.

Cundertol sentit le contrôle de la situation lui échapper.

— Ecoutez, nous faisons chacun notre boulot, et je vous ai permis de parcourir la moitié du chemin. Une complète réussite n’est pas toujours possible…

— Nous aussi, nous vous avons fait parcourir la moitié du chemin. Vous avez votre nouveau corps, et ça devrait vous suffire !

Peut-être…, pensa Cundertol.

Avec son corps artificiel, il était affranchi des indignités de la vieillesse et de la maladie. A condition d’être prudent et avisé, il vivrait éternellement. Et au fil du temps, il s’établirait une nouvelle base de pouvoir, quelque part…

Mais à quoi bon rêver ? Sans argent, il ne remplacerait pas son bras et n’achèterait pas de nouveaux contacts… Il ne pourrait même pas remettre du carburant dans sa navette !

— Je ne partirai pas d’ici sans mon paiement, insista-t-il en regardant le grand reptiloïde dans les yeux.

— Ah, non ? Me combattriez-vous pour ça ?

Cundertol éprouva la force de son nouveau corps. S’il pouvait vaincre une Jedi, que ferait un Ssi-ruu contre lui ?

— Oui, dit-il. Et je vous écraserais comme une punaise !

Le général éclata de rire.

— Je suis sérieux, dit Cundertol. Donnez-moi mon argent.

Le Ssi-ruu foudroya son interlocuteur du regard.

— Tout ce que vous obtiendrez de moi, c’est la mort.

Cundertol se prépara au combat… et s’aperçut soudain qu’il ne pouvait plus bouger. Il était figé sur place, la biofibre de ses muscles rigide comme s’il s’était transformé en statue. Il ne pouvait plus remuer les yeux, la bouche… Ni même respirer !

Son cœur cessa de battre.

Le visage du général s’était tellement rapproché du sien qu’il sentit son souffle courir sur sa peau.

— Imbécile ! rugit E’thinaa. Pensiez-vous vraiment que je serais si stupide ? Nous en avons beaucoup appris sur vous depuis notre arrivée dans cette galaxie. Nous savons comment encourager vos techniciens pervers à travailler pour nous, et comment installer des systèmes de neutralisation qui s’activent au son d’une phrase précise… Nous sommes parfaitement capables de prendre ce que nous voulons pour atteindre nos buts, et vous nous y avez aidés. Vous avez semé le chaos ? Nous en récolterons les fruits !

Cundertol voulut s’éloigner à tout prix…

Depuis notre arrivée dans cette galaxie…

Il sentit la panique l’envahir.

Le visage hideux du général sembla se dissoudre. Le long museau se replia le long du cou, emportant avec lui les yeux à triples paupières et les langues-nez.

Dessous, il y avait un « visage » plus horrible que tous les cauchemars de Cundertol. Un front fuyant, deux joues creuses tatouées, des sacs violets pendant sous des yeux noirs au regard glacial…

De profondes cicatrices sillonnaient les chairs grisâtres.

Cundertol comprit son erreur.

— Vous n’êtes rien à mes yeux ! Si vous étiez resté un être de chair et de sang, nous aurions peut-être pu vous utiliser comme esclave ou vous sacrifier. Tel que vous êtes, vous n’avez plus aucune valeur pour nous. Nous avons détruit la machine qui vous avait fabriqué et, avec le sang de milliers de prisonniers, purifié les mains qui vous ont touché… Nous ne daignerions jamais traiter avec un non-vivant comme vous. La vie est faite de tissus, de sang. (La créature s’interrompit, puis sourit.) De mort…

Le visage qui serait la dernière image du condamné recula, sortant de son champ de vision. Il était si bien pétrifié qu’il n’arrivait même plus à focaliser sa vision. Au-delà d’un mètre, tout devenait flou.

Tout ce que vous obtiendrez de moi, c’est la mort…

L’ultime sensation de Cundertol fut l’odeur pénétrante des bâtons vong qui déchiquetaient son corps artificiel. Bien que paralysé, il sentait toujours la douleur.

Ses bourreaux s’en étaient assurés.

Quand les champs électromagnétiques de son corps cédèrent et que son esprit disparut, il en éprouva un vif soulagement.

 

En fin de compte, il y en avait un.

Klasse Ephemora, un système isolé au bord de l’espace chiss opposé au Noyau, portait le nom de l’explorateur qui l’avait découvert, des siècles plus tôt. Ce système avait jadis abrité une petite entreprise d’extraction de gemmes autour de la géante gazeuse. Mais les conditions atmosphériques défavorables n’avaient jamais permis qu’elle devienne rentable. Depuis cinquante ans, elle était abandonnée. Klasse Ephemora restait désert. L’absence de mondes habitables avait découragé les efforts de colonisation, et sa situation, aux confins éloignés de l’espace chiss, n’exigeait pas de présence militaire. De temps à autre, une sonde automatique venait mettre à jour les cartes astronomiques.

Sinon, l’endroit était ignoré.

Il aurait pu le rester à tout jamais, si la dernière sonde, passée vingt-cinq ans plus tôt, n’avait pas remarqué que la seule géante gazeuse du système, Mobus, avait capturé un nouveau satellite qui s’était joint aux dix-sept autres qui orbitaient autour de Mobus – mais qui faisait plus de dix fois leur masse combinée… Une planète dont l’épaisse couverture nuageuse avait empêché la sonde d’examiner la surface. La présence de vapeur d’eau aurait pu déclencher un examen plus approfondi, mais la sonde n’était pas programmée pour prendre en compte de ce type de données. S’il y avait eu des signes de vie intelligente sur la planète, elle se serait peut-être mise en orbite pour l’observer de plus près, puis elle aurait rapporté ses observations à la Flotte Chiss. Mais la planète n’émettait rien sur les fréquences subspatiales, ni sur le spectre électromagnétique.

La sonde avait noté l’apparition de la lune-monde, puis poursuivi son chemin.

Depuis, les données étaient stockées dans la Bibliothèque de la Flotte, classées avec les rapports de milliers de sondes semblables. Même si la capture d’une lune restait rare, elle n’était pas assez « stupéfiante » pour attirer l’attention des astronomes. Car il se produisait d’innombrables événements plus passionnants dans les Régions Inconnues…

Jacen regarda les images de la lune rapportées par la sonde avec un sentiment proche de l’émerveillement. Il vit une sphère grise éclairée par une géante gazeuse rouge-jaune. L’atmosphère absorbait les infrarouges, mais le radar montrait un terrain vallonné autour de l’équateur, avec des taches planes – des océans ? – entre les deux hémisphères. On voyait des traces d’éruptions récentes, comme on pouvait s’y attendre sur un monde capturé par une géante gazeuse…

— C’est elle, souffla-t-il. Zonama Sekot !

— Les cartes l’appellent M-18, dit Wyn.

— Mais c’est bien Zonama Sekot, répéta Jacen. Forcément ! Quelles étaient les chances, déjà, Danni ?

— Bien faibles… Mais pas nulles pour autant…

— Je sais, fit Jacen.

— Nous devrions vérifier, dit Mara.

— Nous le ferons, assura Luke. Jusque-là, c’est notre meilleure piste.

— Notre aide vous est acquise, intervint Soontir Fel. (Il hésita.) Dans les limites du raisonnable, bien entendu…

Ce n’étaient pas de vaines promesses. Les Chiss avaient déjà fourni des cartes tactiques détaillées des Régions Inconnues, révélant des passages tortueux à travers des zones tenues jusque-là pour infranchissables. De plus, les données indiquaient que les Yuuzhan Vong avaient été plus actifs dans ce secteur que les renseignements de l’Alliance Galactique n’en avaient été informés. Lors de la première attaque dirigée contre les systèmes de la Nouvelle République, un détachement vong avait pénétré dans les Régions Inconnues. Même s’il n’en était jamais ressorti, aucun autre détachement yuuzhan vong n’ayant jamais traversé l’espace chiss, il ne fallait pas s’endormir sur ses lauriers. Le soutien des Chiss serait peut-être précieux, un jour ou l’autre…

— Merci, répondit Luke en souriant. Et je vous promets de ne pas parler de traité avec l’Alliance Galactique avant notre prochaine venue par ici.

— S’il y a une prochaine fois, ajouta Mara.

Jacen hocha la tête, se souvenant de l’attaque contre les Vestiges de l’Empire des Krizlaws de Munlali Mafir, du chef navigateur Aabe, et, bien entendu, des Vong eux-mêmes, dont les incursions à la lisière de l’espace chiss se faisaient de plus en plus fréquentes.

Il était déjà difficile d’arriver jusqu’ici. Je doute que les choses s’arrangent de sitôt…

Le jeune homme sentit le soutien et la confiance de Danni, près de lui, et ça lui fit chaud au cœur. Au moins, ils ne manquaient pas d’enthousiasme ! Il leur suffirait de suivre les élans de leur cœur et de laisser la Force guider leurs pas. Un jour, il le savait, ils arriveraient à destination.

Ce qu’ils trouveraient quand ils y arriveraient était une autre histoire…

L'HéŽréŽtique de la Force T2 - Les Réfugiés
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